Avec les citoyens | Vie associative

28 mai 2020

Nolwenn, volontaire en Service civique à Utopia 56

Est-ce que tu peux te présenter et me parler de la raison pour laquelle tu as souhaité réaliser un Service civique ?

Je m’appelle Nolwenn, j’ai eu 26 ans en novembre dernier et juste avant cela j’ai signé un Service civique avec la Ligue et Utopia 56. Utopia c’est une association dans laquelle j’étais bénévole depuis un peu plus de trois ans donc que je connaissais très bien et je m’étais toujours dit qu’un jour je regarderais sûrement pour les services civiques.

A la base j’ai une formation d’enseignante en mathématiques au collège lycée, que j’ai exercé pendant trois ans avant de démissionner de l’éducation nationale en septembre dernier. Je suis alors partie en voyage et c’est par un joyeux hasard que j’ai découvert l’annonce pour un Service civique sur un des groupes facebook bénévoles d’Utopia. La date était juste avant mon anniversaire de 26 ans et je me suis donc rapidement décidée à tenter le coup. J’ai été acceptée assez facilement vu mon profil de bénévole de longue date, et je me suis ainsi lancée pour huit mois avec aucun regret! Ce qui est important pour moi dans ce Service civique c’est vraiment de m’engager avec Utopia.

 

Pourrais-tu présenter l’association dans laquelle tu réalises ton Service civique?

Utopia 56 a été créée à Lorient en janvier 2015 pour nettoyer la jungle de Calais. Très vite l’association s’est développée un petit peu partout, et un collectif s’est mis en place à Rennes pour centraliser toutes les collectes de dons de Bretagne et les envoyer à Calais.

Les missions ont évolué avec le temps et le collectif rennais est devenu depuis un an et demi une branche de l’association, reconnue d’utilité publique. Il y a six antennes en France, qui développent des actions différentes en fonction des besoins locaux et des forces de chacun, bénévoles comme salariés et services civiques. En l’occurrence à Rennes c’est avec l’arrivée des services civiques que l’association a vraiment décollé.

C’est d’abord le “Pôle mineur” qui a été déployé pour s’occuper des mineurs isolés étrangers qui n’ont pas été reconnus comme tels par la protection de l’enfance. De nombreuses actions ont alors été mises en place en lien avec plusieurs associations rennaises, dont notamment un réseau d’hébergement solidaire, de l’aide juridique avec le Mrap, des cours de français avec Dida. Côté Utopia nous gérons principalement l’aide administrative, les dons de vêtements et les distributions alimentaires pour les familles hébergeuses, de façon à ce qu’elles ne supportent pas une charge financière trop importante. Le tout est centralisé au travers d’un dispositif national d’Utopia qui s’appelle Accueillons.

 

 

De l’autre côté il y a le “Pôle terrain” qui s’est beaucoup développé ces derniers mois, notamment au moment du camp des Gayeulles pendant l’été 2019. Il y a eu une centralisation des forces autour des lieux de vie comme les camps, le squat des Veyettes ou les centres d’hébergement des familles mis en place par la mairie. L’idée c’était vraiment de proposer de l’aide personnalisée pour accompagner le maximum de personnes avec le peu de moyens qui étaient sur place. Depuis les Gayeulles les personnes exilées ont été dispersées et il a fallu trouver un aménagement des dons plus cohérent et tout aussi égalitaire. C’est alors que nous avons lancé la collecte de nourriture tout en amplifiant la collecte de dons vestimentaires, de couvertures, sacs de couchages, produits d’hygiène… Cela nous a permis d’organiser des distributions et de commencer à aller plus loin. En parallèle, on essaye d’apporter un soutien moral régulier aux personnes, et de conserver le lien depuis le camp des Gayeulles jusqu’à l’hôtel pendant leur confinement.

Quelles étaient tes missions telles que prévues à l’origine et comment ont-elles été adaptées pendant le confinement? Comment avez vous mis en place une continuité dans l’association ?

Ma mission était centrée sur le pôle terrain, nous étions deux services civiques sur ce pôle et nous jouions un rôle de référents vis-à-vis des bénévoles. Nous nous sommes répartis les tâches, Tanguy était plus sur la collecte de dons et quand je suis arrivée l’idée c’était que je contribue au développement des maraudes. J’avais fait de nombreuses maraudes à Calais et à Paris, et on sentait qu’à Rennes il y avait un besoin d’implanter ça et d’envisager des mises à l’abris lorsque l’urgence le nécessite.

Pour préparer cela j’ai mis en place des protocoles, puis il a fallu faire des collectes de nourriture à distribuer. Nous avons monté un partenariat avec la Biocoop chez qui nous réalisions des collectes tous les samedis, ainsi qu’avec l’association Coeurs Résistants avec qui nous récupérions des invendus, notamment pour les distribuer sur les lieux de vie. Mon rôle sur le premier mois était vraiment d’essayer de coordonner toutes les actions bénévoles pour que l’organisation se mette en place au mieux.

Ensuite, nous avons lancé les maraudes à partir de mi-décembre. Au début nous les faisions avec d’autres associations pour se roder et appréhender les spécificités de la situation rennaise. Puis les choses se sont mises en place et nous avons développé nos maraudes jusqu’à aujourd’hui. Nous en faisons trois par semaine sur deux circuits différents : une dans le centre et une en périphérie, toutes les deux véhiculées notamment avec des camions.

A l’annonce du confinement les choses ont été complètement modifiées pour moi puisque la Ligue et Utopia, pour des raisons de sécurité et de responsabilité, ont décidé d’interdire le terrain aux services civiques et de nous demander de transformer nos missions en télétravail si possible ou de les suspendre. Plus globalement chez Utopia nous avons dû arrêter toutes nos missions de collecte et de distribution. En conséquence nous avons amplifié les maraudes, mis en place une cagnotte pour remplacer les dons alimentaires et un espace de dépôt de dons en libre accès derrière le local pour éviter tout contact. Plus de 14 000 euros ont ainsi été collectés et dépensés pour faire des courses de nourriture et de produits de première nécessité pour les personnes à la rue. Et moi du coup je gérais un petit peu tout ça à distance en développant des outils informatiques d’organisation des équipes, en assurant le lien avec les bénévoles et aussi, et ça c’est très important, en proposant des briefing et débriefing après chaque maraude, qui sont loin d’être des actions anodines pour les bénévoles.

Je pense qu’il est important de souligner que nous n’avons pas du tout été tous seuls à assurer ces actions et qu’il y a une grosse coordination d’associations qui s’est mise en place à Rennes. Un nouveau collectif inter-asso s’est développé autour de l’aide alimentaire, regroupant des associations de soutien aux exilés et d’autres travaillant déjà dans la collecte de nourriture comme le Secours Populaire, Entourage, Coeurs Résistants, l’Épicerie gratuite de Rennes 2…

L’aide alimentaire s’est vraiment imposée comme une priorité car il fallait à la fois continuer de venir en aide aux personnes en situation de précarité et trouver des solutions pour les personnes qui se retrouvaient nouvellement dans le besoin à cause de la crise. Dès la fin de la première semaine de confinement Utopia a dû sonner la tirette d’alarme sur la situation très préoccupante, et l’inter-asso a été créée et s’est organisée pour lutter contre cela. Deux écoles ont même été transformées en centres de distribution de colis alimentaires et ont permis de distribuer plus de 4000 colis sur les deux mois.

A titre personnel, ne pouvant aller sur le terrain dans le cadre de mon Service civique, j’ai profité du fait d’être également bénévole chez Coeurs Résistants pour pouvoir participer à ce dispositif sur mon temps bénévole. Les écoles devant rouvrir avec le déconfinement, nous avons déménagé au gymnase de la Courrouze, toujours en accord avec la mairie, pour y installer un véritable village solidaire.  Les personnes qui en ont besoin peuvent venir y faire gratuitement leurs courses sans aucune condition ni inscription, et ce jusqu’au mois de septembre au moins. Avec le déconfinement, j’ai également pu reprendre mon activité de volontaire de terrain chez Utopia et suis au gymnase deux jours par semaine en ce moment.

Pourquoi était-ce important de maintenir tes missions, aussi bien pour toi que pour l’association et ses bénéficiaires?

Par rapport à l’association je pense que c’était important que les liens ne soient pas coupés. On a dû faire évoluer nos missions en tant que services civiques mais personnellement je trouvais cela vraiment important que tout ce qu’il y avait à faire, et c’était énorme, ne repose pas seulement sur la coordinatrice et la salariée. Je pense qu’il y a déjà là une fatigue immense et que ça n’aurait  vraiment pas été possible de passer de cinq personnes permanentes sur le terrain à seulement deux, qui en plus devaient multiplier les maraudes, former de nouveaux bénévoles à distance… Ce n’était pas gérable à deux donc j’ai essayé de prendre au maximum ma part là dessus.

De mon côté par contre il y a eu une petite phase de volonté d’éloignement, à la fois parce que j’ai eu un petit accident à ma main qui m’a forcé à prendre une semaine de repos et parce que je me suis rendue compte que le travail à distance ce n’était pas vraiment fait pour moi. Mais voilà il fallait garder un lien et je pense qu’aujourd’hui ce lien il est préservé avec les bénévoles, j’ai reçu énormément de messages de personnes voulant s’engager, peut-être 200 ou 300, il y a vraiment eu une vague de solidarité impressionnante.

Est-ce qu’il y a quelque chose que tu souhaites ajouter ?

Oui, si je peux ajouter un commentaire et je pense que ma coordinatrice me féliciterai presque de le dire, c’est qu’avec la crise on ne sait pas quand est-ce que va pouvoir arriver la relève des services civiques et on a un petit peu peur de ça. Les bénéficiaires, les personnes exilées, ont besoin de nous plus que jamais en ce moment et il semble très compliqué de maintenir toutes nos actions avec seulement des bénévoles. Evidemment il est indispensable d’avoir des bénévoles, je ne dirais jamais le contraire, mais malheureusement ce n’est souvent pas suffisant et un travail de Service civique peut vraiment avoir un rôle essentiel, tout particulièrement dans des périodes comme celle que nous traversons.

 

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