L’« aventure » de la laïcité est au cœur du projet de la Ligue de l’enseignement, elle est d’une certaine manière son histoire même. Elle a d’abord été un combat, une longue marche d’émancipation qui parcourt l’histoire de notre pays, tout particulièrement ces deux derniers siècles et demi. Un combat contre les églises en tout premier lieu et plus particulièrement l’église catholique. Ce combat a fini par payer si je puis m’exprimer ainsi ! La laïcité s’est peu à peu installée dans notre pays et a été globalement acceptée.
La loi de 1905 a finalement bien assumé sa qualité première et historique, celle voulue par ses fondateurs, une loi de compromis et non d’affrontement. Relisons donc cette loi, dont les deux premiers articles (sans jamais, d’ailleurs, utiliser le mot) disent la totalité du principe de laïcité :
En tout premier l’assurance de la liberté de conscience (la possibilité offerte à chaque personne d’adopter les convictions qu’elle souhaite et d’en changer) et la garantie du libre exercice des cultes dans le respect de l’ordre public. Ensuite, l’affirmation de la séparation des églises et de l’état qui impliquera la neutralité de la puissance publique. La hiérarchisation des articles est essentielle… c’est la notion de liberté qui est au premier rang.
Aujourd’hui, la laïcité est confrontée à de nouveaux défis.
Certaines forces en contestent le principe, d’autres s’opposent sur ses modalités d’application. On retrouve là tout particulièrement l’islamisme, c’est-à-dire l’islam politique qui pousse à sortir la religion du cadre laïque. D’autres cherchent à l’instrumentaliser comme une idéologie reposant sur une vision identitaire, refusant le pluralisme. On retrouve là les tentatives de récupération notamment de l’extrême droite. Et n’oublions pas l’affrontement commencé très tôt, notamment dès la période de préparation de la loi de 1905, entre une conception libérale opposée à une conception que l’on qualifiera d’intégrale voir intégriste. La Ligue soutient la première conception, celle d’une laïcité dont les maîtres mots sont dialogue, apaisement, réconciliation et non interdiction, stigmatisation, contrôle et surveillance. Une laïcité qui n’est pas contre les religions, mais anticléricale, opposée à une conception « laïcarde » tendant à transformer la laïcité en une véritable religion civile.
La Ligue de l’enseignement a pris toute sa part dans cette longue marche d’émancipation.
Elle en a même été une avant-garde permettant de déboucher, en ce début du XXIe siècle, sur une conception plus claire, plus affirmée, plus lucide de ce principe d’organisation de la république : la laïcité n’est pas une valeur, elle est un principe juridique et politique pour décliner et garantir les valeurs de la République que sont la liberté, l’égalité et la fraternité. Elle est le principe juridique et politique qui permet la cohabitation pacifique des différents courants de pensée. Elle n’est ni un courant culturel, ni une famille spirituelle, ni une idéologie ou une idée politique. Elle est la règle qui loin de prôner la lutte contre la religion permet d’assurer la liberté de croire ou de ne pas croire pour chacun. Elle n’est pas une opinion parmi d’autres, mais la liberté d’en avoir une. Elle n’est pas une conviction, mais le principe qui les autorise toutes sous réserve du respect de l’ordre public. Sa fonction première c’est bien de fabriquer de la concorde… Une laïcité qui rassemble !
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Hubert Chardonnet
Vice-président délégué à la laïcité