Culture

17 mars 2021

Hervé SALESSE, un artiste engagé

Peux-tu te présenter ainsi que ton parcours professionnel ?

Je m’appelle Hervé SALESSE, et je suis artiste slameur, mon nom d’artiste c’est Elvi. Mon parcours professionnel est plutôt naissant, dans le sens où je ne suis pas très vieux déjà, et puis j’ai fini mes études il n’y a pas longtemps.

Ma première expérience significative, c’était la Ligue de l’enseignement, en tant qu’animateur pro. C’est après cette expérience que j’ai choisi de tenter l’expérience slam à 100% en tant qu’artiste, ça fait maintenant 2 ans.

D’où t’es venu ce projet ?

Ce n’est pas quelque chose qui était pensé depuis longtemps. J’ai fait mes études dans l’animation socio-culturelle et dans le sport, en STAPS, dans la gestion de projets sportifs.

Il y avait tout le temps cette notion de projet, d’animation, de rapport à un public et l’idée est venue de l’époque où je suis sorti des études. J’ai commencé à travailler avec la Ligue, et en échangeant avec d’autres slameurs, en voyant qu’ils arrivaient à en faire leur métier, en grande partie avec les ateliers en milieu scolaire. Je me suis dit pourquoi pas, puisque j’avais une pratique, une expérience en tant qu’animateur, c’était l’occasion de tenter et de m’épanouir avec d’autres projets purement artistiques.

 

Tu as toujours eu cet intérêt pour le milieu culturel, l’animation ?

Non justement, moi dans ma jeunesse, je n’ai pas fait d’activités culturelles ou artistiques, mais des activités sportives. C’est en arrivant dans mes études, en découvrant des personnes qui sont toujours à la Ligue comme Ségolène, dans sa promo de DUT carrières sociales, des études où on apprend à devenir animateur socioculturel.

Des études où tu rencontres tout un tas de personnes, qui viennent d’horizons différents, des horizons que je ne connaissais pas, beaucoup de gens qui étaient dans de l’artistique ; des musiciens, des gens qui touchent au théâtre, à tous types de formes d’arts. Ça t’ouvre vraiment humainement et artistiquement, et après quand j’ai découvert les scènes slam à Bordeaux, j’ai vraiment aimé ça, ça m’a donné l’occasion de pratiquer et je continue aujourd’hui à adorer ça.

Tu appartiens également à une association, Slam Connexion, peux-tu nous la présenter ?

Slam Connexion, c’est une association qui existe à Rennes depuis 2006 Il faut savoir que le slam, c’est une discipline arrivée en France il y a environ 20 ans. Dans les premiers pionniers du slam, des personnes à Rennes se sont vraiment impliquées dans cet art nouveau et ont créé cette association, qui a pour but de faire vivre le slam à Rennes et en région Bretagne.

Ce que fait surtout Slam Connexion, c’est organiser des événements et des temps de pratiques liés au slam, par exemple des scènes ouvertes, l’idée est de créer des espaces d’expression libre oral et poétique. Mais aussi aller à la rencontre des publics, avec les ateliers de découvertes du slam, d’initiation du slam, de création, l’élaboration de projets autour de l’écriture du slam, etc.

On s’est développé également au niveau de la valorisation du patrimoine par le fait artistique, par l’art avec les visites en slam. Les premières visites ont été lancées par Slam Connexion, avec l’Office du tourisme de Rennes. L’idée, c’est de présenter la ville de Rennes par le biais du slam. Enfin, on travaille aussi sur l’idée de former des animateurs. trices de slam.

Slam Connexion s’ancre vraiment dans les valeurs qui sont celles du créateur du slam, Marc Smith, c’est-à-dire rendre l’écrit, la prise de parole accessible au plus grand nombre, à ceux qui le souhaitent, et que chacun puisse s’approprier le rapport à l’expression, à la poésie dans un esprit de partage et en même temps de plaisir et de création, de performance artistique.

Pourquoi tu as tenu à te lancer dans ce projet associatif ?

Le slam, il faut vraiment le voir comme un espace, où pour qu’il y ait slam, il faut qu’il y ait du monde, un public, et plusieurs artistes. C’est vraiment l’ADN du slam et j’aime cette dynamique. C’est comme ça qu’on découvre le slam, on ne le découvre jamais seul.

Et le système associatif permet justement de travailler ensemble, avec des gens que je trouve géniaux, avec des artistes que j’adore artistiquement, mais aussi humainement. On partage nos compétences, on développe des projets, c’est ça aussi le travail en asso, c’est travailler en groupe. D’où le projet associatif. D’autant que c’est une asso qui a une chouette histoire, et moi je me suis réancrée dans le slam en arrivant à Rennes finalement avec Slam Connexion, ils m’ont ouvert la porte, je suis reconnaissant de ça, et ça me fait plaisir de continuer à écrire l’histoire de l’association.

 

Tu es donc dans l’association d’une part, et artiste indépendant de l’autre ?

Oui, nous sommes plusieurs artistes à faire partie de Slam Co tout en ayant des projets personnels à côté, je pense notamment à Alice, Débo, Neimad, Carlota.

Concrètement, je travaille en grande partie avec mes projets personnels, mais je tiens à continuer à avoir des projets avec Slam Connexion, à faire vivre leurs actions, ce qui nous permet à nous, artistes, de continuer à travailler ensemble, à faire différents types de projets.

De mon côté, je fais à peu près les mêmes choses que dans l’association, mais en mon nom. Par exemple, je développe notamment les visites en slam, notamment au musée des Beaux-Arts ou au TNB, alors que les visites du centre-ville ont été développés avec l’association.

Le secteur culturel a été très touché durant cette crise sanitaire, cela a eu des répercussions dans ton travail ?

Moi ça va, je ne suis pas à plaindre. La période octobre-avril, c’est un peu la saison des actions avec les écoles. Et le plus gros de mon travail à l’heure actuelle, ce sont ces rencontres, comme les écoles ne sont pas fermées et que les intervenants extérieurs peuvent venir. En plus le slam, on travaille vraiment sur l’écrit et l’oral donc on engage peu de matériel, peu de manipulation de choses, donc c’est une activité qui est facile à mettre en place dans des périodes de Covid.

Donc franchement pour le moment, je travaille, j’ai quasiment eu aucun projet d’annulé avec des écoles ou à la limite des reports, ça c’est génial. Après, là où je suis impacté, c’est sur les visites en slam, j’ai dû en annuler pleins, donc c’est sûr que ce n’est pas agréable. Mais sinon pour l’instant, ça va.

En tant qu’artiste, comment tu as perçu les mesures qui ont été prises à l’encontre du milieu culturel ?

Pas très bien, il faut l’avouer. En fait, c’est un sujet qui est compliqué parce que ça amène à mélanger l’éthique et les besoins de toute personne dans la société… Mais il y a surtout cette impression, je vais parler de manière très personnelle pour le coup, que tout ce qui est de l’ordre du plaisir, des propositions et des pratiques qui pour moi sont nécessaires à l’équilibre émotionnel, c’est considéré comme un « danger de mort ».

On pourrait dire que je ne mets pas de nuances, mais je le fais exprès finalement, car j’ai l’impression qu’on n’en met pas beaucoup non plus au niveau des décisions. Il y a des milieux qui ont le droit à certaines nuances, je n’ai rien contre eux, mais d’autres qui ont peu d’opportunités d’adapter les règles, alors que je pense qu’on est tous prêts à faire des efforts.

Moi je demande juste un peu de nuances. Oui d’accord, il y a des endroits où il y a des risques prononcés à l’heure actuelle, mais est-ce qu’on ne pourrait pas quand même essayer de nuancer de sorte que tout le monde s’en sorte un minimum ? Parce qu’on a l’impression de se rendre compte seulement maintenant, que l’art, le sport, la pratique, avoir des relations sociales, c’est important aussi pour la santé. Et je trouve que ça a pu manquer d’élégance et d’empathie envers certains milieux, et la culture en particulier oui…

Il n’y a pas d’adaptabilité en fait, par exemple avant que ça referme, je suis allé voir une pièce de théâtre, les solutions étaient là, on ne pouvait pas faire plus ; les masques, un siège sur deux, on rentre par rangée, j’imagine que le théâtre avait en plus géré l’aération, que les artistes se faisaient tester, etc. Donc il y a des choses à faire, il y a des gens qui sont forces de propositions mais on ne veut pas les écouter, donc il y a aussi ce sentiment que les gens qui sont pourtant experts dans le domaine, on ne leur laisse pas la parole, alors qu’ils connaissent leur milieu, et les adaptations possibles. Tout paraît pris de manière un peu unilatérale, sur une espèce de consultation d’apparat, une manière de faire un peu descendante, et pas assez dans l’échange. Après attention, je sais que ce n’est pas évident, mais pour moi, il faut au moins se questionner sur ces choses-là.

Pour le secteur culturel, penses-tu qu’il y aura un après-Covid ?

En vrai, je pense qu’on a tous tellement faim, mais tous, je veux dire le secteur culturel et les gens qui le consomment, tellement d’envie, d’enthousiasme que pour moi, ça ne peut que prendre de l’ampleur. Il va y avoir des solutions, des propositions, un effet décuplé comme quand les restaurants ont ouvert à nouveau, les gens avaient tellement envie d’y aller, d’aider les restaurateurs, et c’est formidable. Donc je me dis que ça peut être encore plus fou.

Donc je suis plutôt positif là-dessus, je me dis qu’on est dans un pays, sur des territoires, dans un monde où les gens savent faire des choses, tout le monde a du talent, tout le monde a des idées, et l’humain est formidable pour ça, il va y avoir des choses formidables, j’en suis persuadé.

Est-ce que tu as des projets particuliers à venir ?

Ça fait 2 ans que le Slam est devenu mon métier. A priori, si tout va bien, je vais continuer, comme j’ai aujourd’hui un rythme de travail assez dense et en même temps très agréable donc c’est vraiment super. Donc j’aimerai vraiment asseoir ça, faire en sorte que le rythme des ateliers scolaires continue à être aussi bon, d’avoir une sécurité etc. À l’heure actuelle, c’est le cas, et pourvu que ça dure.

Après, évidemment lancer des nouveaux projets, j’aimerai beaucoup développer les visites en slam notamment. Il y a des idées, des projets qui devraient se mettre en place, sur Rennes ou en dehors, avec des partenaires par exemple. Et sinon, remonter sur scène, évidemment, et à titre tout à fait perso, je suis en train d’essayer de créer un EP, comme un petit album, c’est lié à la musique, ça faisait quelques temps que je voulais essayer, ça fait partie des opportunités que donne la période, avoir un peu de temps pour essayer d’autres choses.

Après du côté personnel, ce serait de retrouver cette vie d’avant, de retrouver une liberté qui avant était un acquis. Retrouver aussi l’opportunité de pouvoir se projeter, car ça fait du bien, ça fait du bien à n’importe quel être humain de pouvoir se projeter, je crois du moins, d’être libre dans notre manière d’agir. C’est une bonne conclusion ça ; c’est ça le projet en fait, pouvoir se projeter plus librement.